Article 26 du 13 mai 2023 : comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? (première partie)

COMMENT ET POURQUOI EN-SOMMES NOUS ARRIVÉS LÀ ? (PREMIÈRE PARTIE)

C’est ce que nous sommes en droit de nous demander en passant en revue les évènements de ces trois dernières années. Il me manquait quelques éléments d’histoire pour avancer un peu sur le chemin de la compréhension de péripéties, qui a priori, échappent à la raison. Afin  de vous aider à y voir plus clair, je vous propose un extrait du dernier roman de Laurent Gounelle, « Le Réveil » paru chez Calmann Lévy en Février 2022. Je n’y ai strictement rien changé excepté l’ajout de quelques notes indispensables présentées ainsi (NB : ………..) L’auteur de « Dieu voyage incognito » et du « Philosophe qui n’était pas sage » a écrit ce livre en urgence, en réaction à la « crise ». Voici le passage choisi.

Pages 27 à 36

«Tout avait commencé en 1917 aux États-Unis… La Première Guerre mondiale fait rage en Europe et le président Woodrow Wilson veut que son pays entre en guerre. Mais il se heurte à un double problème : le peuple américain y est farouchement opposé ; et lui-même s’est fait réélire l’année précédente grâce au slogan « He kept us out of war » (il nous a maintenus hors de la guerre). Il est coincé. Pour résoudre ce problème,Wilson décide alors de créer une commission baptisée « Committee on Public Information » du nom du journaliste qui l’a dirigée. Le but ? Retourner l’opinion publique en lui insufflant l’envie de cette guerre. Ses membres ? Non pas des hauts fonctionnaires de l’état, mais…des journalistes, des illustrateurs et des professionnels de l’influence. L’idée n’est pas de convaincre avec des arguments rationnels, mais d’induire des émotions chez les gens pour forger de toutes pièces l’opinion publique en la façonnant dans le sens voulu par le pouvoir. L’un de ses membres est un certain Edward Bernays, neveu de Freud, qui a repris de son oncle l’idée que les gens se croient dotés d’un esprit rationnel alors qu’en réalité ils sont soumis sans le savoir à leur inconscient. Pour Bernays, il ne sert à rien d’essayer de convaincre les gens avec des arguments ciblant leur raison : il faut faire appel à leur instinct et à leurs émotions. La commission est dotée de moyens considérables. La première idée consiste à utiliser la presse pour lui faire relayer de fausses informations porteuses d’émotions fortes afin d’induire un profond sentiment anti-allemand. La commission rédige un épais bulletin quotidien qui est envoyé chaque jour à tous les organes de presse, aux quatre coins du pays. Elle diffuse à grande échelle des histoires inventées de toutes pièces, par exemple celle de bébés belges embrochés par les Allemands sur des baïonnettes. La commission produit des films, y compris des longs-métrages. Elle crée des affiches illustrées, comme celle montrant un soldat américain arrêtant un allemand en train de terroriser une mère et son enfant. Une autre montre un affreux gorille coiffé d’un casque à pointe, portant la moustache blonde de l’empereur et armé d’un gourdin, enlevant une femme à moitié dénudée. En arrière-plan, l’Europe dévastée et la cathédrale de Reims incendiée. En énorme, le slogan « Destroy this mad brute » (détruisez cette brute enragée). Très vite, on voit naître dans la population des sentiments de colère, puis de haine des Allemands. Des orchestres se mettent à refuser de jouer de la musique de compositeurs allemands. Les artistes sont mis à contribution, invités partout dans le pays à prendre la parole pour exprimer la nécessité d’entrer en guerre. En un rien de temps, l’opinion publique est retournée et soutient à fond la guerre. Cette vaste opération est un énorme succès. La commission maintient ses actions de manipulation du peuple américain jusqu’à la fin du conflit, continuant à faire relayer par la presse de fausses informations, comme celle de bateaux escortant la 1° division en Europe qui aurait coulé plusieurs sous-marins allemands, ou encore celle d’une pléiade d’avions de combat volant vers la France alors qu’il n’en existe qu’un seul exemplaire…encore en phase de test dans son atelier : les photos diffusées dans la presse sont truquées. La commission élargit son objectif initial et cible aussi la presse étrangère pour influencer l’opinion publique internationale ; des journalistes étrangers se voient offrir de beaux voyages aux États-Unis, ce qui, comme par miracle, les motive à relayer l’information voulue. Une fois la guerre finie, la commission est dissoute. Son membre le plus influent, Edward Bernays, a alors l’idée de transposer ses techniques de propagande dans le privé pour aider de grandes entreprises à influencer le peuple. Il ne s’agit pas de faire de la publicité, mais bien de lancer des opérations de grande envergure pour modeler les esprits et induire chez les gens les comportements voulus. Il écrira plus tard : « L’étonnant succès que la commission a rencontré pendant la guerre a ouvert les yeux d’une minorité d’individus intelligents sur les possibilités de mobiliser l’opinion, pour quelque cause que ce soit. » Bernays crée une agence de Conseil en relations publiques, terme qu’il invente pour l’occasion, toujours en vogue cent ans plus tard. Les clients affluent. Bernays développe sa pratique en s’appuyant sur les sciences sociales : psychologie, psychologie sociale, sociologie, psychanalyse, sociopsychologie. Il utilise les relais d’opinion, et souvent parmi eux deux cibles de choix : les journalistes et les médecins. Pourquoi les médecins ? Parce qu’ils inspirent respect et confiance : on s’en remet à eux pour notre santé, on a donc l’habitude de suivre leurs recommandations.

Les actions que Bernays entreprend pour le compte de ses clients sont d’une efficacité redoutable. Les résultats pleuvent, les clients se multiplient, dans des domaines très variés. Christos (NB : l’un des personnages du roman de Laurent Gounelle) se souvenait encore de la campagne de manipulation menée pour un fabricant de bacon. Une campagne totalement à l’image des actions de Bernays. Le fabricant veut accroître ses ventes. Comme d’habitude, Bernays voit grand. Il a l’idée de développer pour lui l’ensemble du marché du bacon. Pour cela, il paye des médecins pour réaliser une étude qui conclut à l’utilité pour la santé d’un petit-déjeuner copieux. Il va ensuite diffuser les résultats de cette étude à plus de quatre mille médecins aux quatre coins des États-Unis en les incitant à motiver leurs patients à adopter un tel petit-déjeuner. Précisément au même moment, il inonde les médias de publicités pour le bacon. En à peine quelques années, le petit-déjeuner à base de bacon s’est imposé aux Etats-Unis, s’inscrivant durablement dans les comportements alimentaires, allant jusqu’à devenir une nouvelle tradition… Dans un autre domaine, Bernays parvient à un renversement d’opinion en réussissant à amener les femmes à fumer alors que la cigarette est vue comme une pratique machiste. Plus tard, il utilise une fois de plus les médecins, cette fois-ci pour promouvoir la marque Camel, parvenant à leur faire dire que c’est leur marque de cigarettes préférée.

Fort de ses succès auprès des entreprises privées, Edward Bernays décide de retourner mettre ses méthodes au service des pouvoirs politiques. Il est en cela cohérent avec ses valeurs puisqu’il a déclaré dans le passé : « si l’on parvenait à comprendre le mécanisme et les ressorts de la mentalité collective, ne pourrait-on pas contrôler les masses et les mobiliser à volonté sans qu’elles s’en rendent compte. Bernays pense en effet que les gens sont dans l’ensemble incapables de comprendre les affaires publiques et donc d’assumer leur rôle de citoyen : les gens sont idiots et il faut décider à leur place. Ceux qui les gouvernent doivent donc berner le peuple pour qu’il les laisse mener les affaires comme ils le souhaitent. Pour le bien de tous, naturellement. Il faut pour cela utiliser les nouvelles techniques d’influence et les médias de masse pour « cristalliser l’opinion publique » et « fabriquer le consentement », selon ses propres termes. Il écrit : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays.» Bernays aura rapidement l’occasion de mettre à l’œuvre ses principes. Au Guatemala, un petit pays tranquille d’Amérique latine, le président démocratiquement élu Jacobo Àrbenz Guzman met en place une forme agraire qui nuit aux intérêts d’une multinationale américaine : la United Fruit Company. Cette grande entreprise se paye alors les services de Bernays pour changer la donne. Bernays imagine un stratagème pour discréditer le président guatémaltèque aux yeux de l’opinion américaine en le faisant passer pour un communiste menaçant la sécurité des Etats-Unis. Il crée un bureau de presse soi-disant indépendant, en réalité financé par la United Fruit Company. Ce bureau communique régulièrement à la presse un flot d’informations sur le caractère prétendument communiste du Guatemala. Il offre des voyages aux journalistes pour les influencer. Ceux-ci commencent à relayer les fausses informations, qui bientôt inondent la presse. Très vite, le peuple s’émeut de cette menace qui semble grandissante. Les gens ont peur, très peur. Cela finit par pousser le gouvernement à agir. En 1953, la CIA monte une opération secrète baptisée PBSUCCESS pour renverser le président guatémaltèque. Le coup d’état réussit en juin 1954 avec l’aide d’avions de combat américains et de mercenaires formés par la CIA. On met au pouvoir un ancien général, Carlos Castillas Armas, à la tête d’une junte militaire. Des milliers de sympathisants de l’ancien président seront emprisonnés ou assassinés dans la foulée. Chomsky (NB : Noam Chomlsky est un universitaire et intellectuel auteur du livre  » La fabrique du consentement ») dira du nouveau régime en place qu’il s’agissait « d’un véritable enfer sur Terre, probablement le régime de l’époque contemporaine le plus proche de l’Allemagne nazie ». Mais la United Fruit Company récupéra des dizaines de milliers d’hectares de terres qui avaient été distribués aux paysans. Et le peuple américain fut satisfait. À partir de là, les contrats vont pleuvoir pour l’agence d’Edward Bernays. Il avait obtenu qu’un état se mette au service d’une entreprise privée, nuisant à l’intérêt d’honnêtes citoyens. Aujourd’hui, cent ans plus tard, cette pratique s’est généralisée dans la plupart des pays dits démocratiques…Les grandes multinationales, notamment américaines, parfois plus puissantes que les états, œuvrent en permanence en coulisses pour influer sur les politiques publiques afin qu’elles collent à leurs intérêts. Mais ce lobbying intense et efficace qu’elles mènent auprès des élus ne leur suffit pas : elles vont plus loin en façonnant directement l’opinion publique afin que les élus n’aient plus qu’à suivre la volonté apparente du peuple, volonté induite à son insu. En 1923, Bernays publie un livre pour relater ses exploits en matière d’influence de la population, sans doute dans le but d’élargir encore sa clientèle : Crystallizing Publi Opinion. Il est fier d’y détailler ses techniques. Dix ans plus tard, Karl von Wiegand, journaliste américain d’origine allemande basé en Allemagne, trouve ce livre dans la bibliothèque de Joseph Goebbels. Goebbels…ce proche d’Hitler, surnommé « le nain venimeux», considéré comme expert en lavage de cerveau. Ministre de la Propagande de 1933 à 1945, il réussit à manipuler l’opinion publique allemande pour inculquer la haine des juifs à une population pourtant éduquée, rendant possible l’avènement de la barbarie au sein d’une société moderne.

Quand on s’y prend bien, en jouant sur les émotions, on peut faire croire aux gens n’importe quoi, y compris des horreurs même aux plus intelligents et cultivés d’entre eux. »

(…)

page 56

« Bernays est mort en 1995, mais ses techniques de propagande lui ont survécu. Elles sont même enseignées depuis longtemps dans les grandes universités américaines où étudient les futurs dirigeants de multinationales, mais aussi dans les écoles d’études politiques où l’on forme les futurs élus, un peu partout dans le monde. Après quoi les sociétés de conseil américaines qui sévissent dans la plupart des pays prennent le relais afin de conseiller les grands patrons, mais aussi les chefs d’état et leurs ministres, sur l’art de manipuler la population (NB : il semble que les journalistes n’aient pas l’habitude d’intégrer ces écoles). Les conseils ne sont jamais neutres parce que ces cabinets ne le sont pas : tous sont américains et tous tirent d’abord leurs subsides des multinationales américaines, auxquelles ils sont donc intimement attachés. Ces firmes exercent elles-mêmes un lobbying intense, auquel elles consacrent des budgets considérables, pour obtenir des gouvernements des décisions en leur faveur. » Laurent Gounelle, Le Réveil, Calmann Levy, février 2022).

Et voilà !

Je ne savais pas que Sigmund Freud avait un neveu qui s’appelait Edward Bernays. Cette grosse lacune est maintenant comblée. La semaine prochaine, je vous proposerai, du même auteur, un inventaire des outils de manipulation des masses utilisés pour la mise en pratique des principes de propagande illustrés dans le texte présenté aujourd’hui. (GUY FAURE)

Vous pourrez retrouver ce texte et bien d’autres sur ma page Facebook, accessible par l’onglet FB ci-dessus.

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Auteur : Guy FAURE

Je pense qu’une petite présentation est quand même utile. La voici. Je suis né à Marengo en Algérie (actuellement Hadjout), le 9 février 1952 vers 12 h 40, mais j’ai vécu en France, en Avignon. J’ai subi ma scolarité au lycée Frédéric Mistral avant de jouer les prolongations dans diverses facs de l’université Aix-Marseille où je me suis familiarisé avec les mathématiques, la physique, la chimie, la psychologie et la biologie avant de me tourner vers des formations plus universelles telle que la naturopathie, l’astrologie, la kinésiologie, la PNL et les traditions ésotériques. Sans diplôme utilisable, j’ai pu rester libre et indépendant, autant que faire se peut. Mon parcours m’a amené à exercer l’activité de moniteur de plongée subaquatique au Club Med pendant plusieurs années…Mais c’est ma curiosité pour les mythologies et l’Histoire, en particulier l’Antiquité, qui a alimenté l’essentiel de ma connaissance. Je vis actuellement en Cerdagne, dans les Pyrénées orientales après être passé par les Hautes Alpes (Ceillac en Queyras), le Var (Six-Fours-les-Plages) et bien sûr des endroits où l’on peut visiter de superbes fonds sous-marins, entre 1978 et 1990 (Guadeloupe, Martinique, Mexique, Bahamas, Maldives, Tahiti, Israël...). C’est terminé pour ce synopsis qui permettra peut-être à certaines personnes perdues de vue de me retrouver.

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